Un smilodon dans l’Ouest : découverte d’un fossile du célèbre félin de l’ère glaciaire à Medicine Hat, en Alberta

TORONTO, le 4 octobre 2019 — D’après de nouvelles recherches effectuées par des scientifiques du Musée royal de l’Ontario (ROM) et de l’Université de Toronto, Smilodon fatalis, redoutable tigre à dents de sabre, a bel et bien vécu en Alberta (Canada) durant l’ère glaciaire. L’identification du fossile repousse l’aire du célèbre prédateur d’un millier de kilomètres plus au nord.

Illustration de Smilodon fatalis par le paléoartiste Henry Sharpe © Henry Sutherland Sharpe © Henry Sutherland Sharpe.

La nouvelle étude fait état du tout premier fossile de smilodon à avoir été retrouvé au Canada. Elle s’appuie sur le fragment trapu d’un os provenant d’une des larges pattes antérieures du smilodon. Le fossile a été identifié lors d’un examen des collections conservées au Musée royal de l’Ontario. Aucun fossile de smilodon n’avait jusqu’alors été découvert au nord du réservoir d’American Falls, en Idaho. L’article décrivant l’os du smilodon et les restes fossilisés d’autres félins retrouvés à Medicine Hat (Alberta) a été publié dans la version électronique du Canadian Journal of Earth Sciences en date du 4 octobre 2019.

L’étude présente aussi les os de trois autres grands félins : le lion d’Amérique (Panthera atrox), un lynx ou un lynx roux (Lynx sp.) et peut-être le spécimen le plus au sud jamais recensé du lion des cavernes (Panthera cf. Panthera spelaea), dont on ne connaissait l’existence en Amérique du Nord que par les fossiles exhumés en Alaska et au Yukon.

« Savoir que l’aire du smilodon s’étendait si loin dans le nord, au Canada, nous en dit long sur les écosystèmes du Pléistocène et sur leur évolution, déclare Ashley Reynolds, doctorante en stage au Musée royal de l’Ontario, qui a mené l’étude pour sa thèse en écologie et biologie de l’évolution, à l’Université de Toronto. Cette découverte nous en apprendra davantage non seulement sur l’adaptation des plantes et des animaux à l’évolution passée, mais aussi sur leur adaptation éventuelle aux changements actuels et futurs, attribuables à l’activité humaine. »

L’extinction des grands félidés tels le smilodon et le lion d’Amérique coïncide avec celle de leurs proies. Elle remonte donc à la fin du Pléistocène, il y a environ 11 000 ans. « Ces quelques os révèlent qu’au moins trois espèces de grands félins vivaient dans l’Ouest canadien durant l’ère glaciaire, précise Kevin Seymour, Ph. D., conservateur adjoint de paléontologie au Musée royal de l’Ontario et coauteur de l’article. La situation n’a rien à voir avec celle que nous connaissons aujourd’hui, puisque le Canada ne compte plus qu’un seul grand félin : le couguar, de taille plus modeste que ceux qui sillonnaient le pays au Pléistocène. »

À l’ère glaciaire, les cousins du cougar tels que le smilodon chassaient les grands herbivores, qui partageaient le même territoire, notamment des chameaux, des chevaux, des paresseux marcheurs géants et de jeunes mammouths ou mastodontes. Aujourd’hui, le cougar s’attaque surtout aux chevreuils.

« On connaît mieux le smilodon grâce aux fossiles découverts dans les fosses de bitume de la Californie et de l’Amérique du Sud. C’est pourquoi les vestiges de ce prédateur aux dents caractéristiques retrouvés au Canada sont si passionnants et si étonnants », observe David Evans, Ph. D., autre coauteur de l’article, titulaire de la chaire James et Louise Temerty de paléontologie des vertébrés au ROM, et directeur de thèse de Mme Reynolds.

L’intérêt que Mme Reynolds porte à l’anatomie comparative des grands félidés l’a incitée à entreprendre une thèse de doctorat portant sur les félins préhistoriques. « Quelle a été ma surprise, un jour où j’examinais les collections du ROM pour voir ce qu’elles contenaient, de découvrir des fossiles de l’Alberta étiquetés Smilodon, explique-t-elle. J’ai tout de suite compris que j’avais trouvé quelque chose d’exceptionnel. »

Les fossiles conservés au ROM ont été recueillis vers la fin des années 1960 par le paléontologue de l’Université de Toronto C. S. Churcher et ses collègues, dans les environs de Medicine Hat, en Alberta. En publiant cet article scientifique, les chercheurs confirment l’espèce à laquelle appartiennent les os en question. À la suite de cette découverte, M. Evans et Mme Reynolds ont emmené, l’été dernier, une équipe d’étudiants de cycle supérieur explorer des gisements de la période glaciaire et revisiter les sites fossilifères de Medicine Hat.

Avec ses incroyables canines, le smilodon emblématique a vite captivé l’imagination et fait partie de la culture populaire! Les jeunes et moins jeunes se rappelleront sans doute Diego dans le film L’ère de glace (2002) ou le générique final des Pierrafeu, où l’on voit Fred mettre sans cérémonie son chat à dents de sabre Ralbol à la porte tous les soirs!

Conférence publique :
Dans la série Le ROM de jour, le ROM vous propose d’assister à une conférence en anglais (« Le Nord se souvient : des fossiles de la période glaciaire découverts à Medicine Hat, en Alberta »)
Musée royal de l’Ontario, le jeudi 14 novembre 2019 à 11 h
Ashley Reynolds parlera de son travail de terrain dans la région de Medicine Hat, y compris de l’identification du premier Smilodon fatalis au Canada.

-30-

Référence de l’article : Reynolds, A.R., Seymour, K.L., and Evans, D.C. 2019. Late Pleistocene records of felids from Medicine Hat, Alberta, including the first Canadian record of the sabre-toothed cat Smilodon fatalis.
Canadian Journal of Earth Sciences. doi: 10.1139/cjes-2018-0272.

Renseignements
David McKay, coordonnateur des communications
davidm@rom.on.ca     
416.586.5559