De bénévole au ROM à lauréat du Photographe naturaliste de l’année
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First
Lorsque la demande de bénévolat de Beckett Robertson lui parvient par courriel en 2022, Antonia Guidotti, technicienne en entomologie au ROM, ne manque pas de raisons pour la refuser. Premièrement, aucun poste de bénévole officiel n’est en place. Deuxièmement, Beckett n’a que 14 ans… un âge où la maturité fait souvent défaut et où les passions sont éphémères.
Cela dit, c’est Christopher Darling (Ph. D.), conservateur principal honoraire des insectes et des arachnides, qui lui avait fait suivre le courriel, ainsi qu’à son collègue le technicien Brad Hubley. Et, pour tout dire, Beckett Robertson n’était pas un adolescent comme les autres.
Plutôt que de lire des bandes dessinées, il lisait des guides d’identification des insectes de 700 pages. Ses animaux de compagnie étaient non pas des chiens ou des chats, mais des arachnides. Plus particulièrement d’énormes amblypyges que le spécialiste Orin McMonigle décrit dans son ouvrage Breeding the World’s Largest Living Arachnid de la façon suivant « [ils] semblent sortir tout droit des sombres abîmes d’un cauchemar ». Plus impressionnant encore, Beckett était disposé à ne ménager aucun effort pour les collections.
« Il était très, très enthousiaste », affirme Antonia.
Antonia Guidotto et Brad Hubley ont donc créé un poste pour l’adolescent de 14 ans. À l’été 2022, Beckett est entré au ROM, où il était chargé de vérifier les collections pour déceler la présence de parasites.
Une activité courante qui selon Antonieta compte parmi les aspects les moins intéressants du travail, mais Beckett, ravi de se trouver au ROM, l’a accomplie avec plaisir.
« Nous étions très impressionnés », dit-elle.
Second
L’année suivante, Antonia et Bart ont bénéficié d’un programme de financement provincial pour embaucher des étudiants pour la numérisation des collections. Comme on pouvait s’y attendre, la candidature de Beckett a été retenue. À l’été 2023, il était de retour au ROM. Cette fois pour photographier des papillons de nuit, des cigales et des coléoptères.
C’est un travail méticuleux qui ne saurait être accompli à la hâte. Chaque spécimen doit être manipulé avec soin et chaque point de données doit être inscrit dans un fichier Excel.
« Il est important d’y mettre le temps qu’il faut. Prendre des photos peut devenir répétitif, explique Beckett. Pour moi, c’était un emploi de rêve. »
Third
Antonia et Brad ont vite fait de s’apercevoir que Beckett était non seulement minutieux, mais doué – notamment en matière de photographie. Sa remarquable photo d’une araignée sauteuse lui avait d’ailleurs valu le premier prix dans la catégorie « Jeunes » de l’édition 2022 du concours du Photographe naturaliste de l’année du ROM. Lorsque Beckett a montré d’autres exemples de ses photos à Brad ce dernier l’a encouragé à s’inscrire au concours du Photographe naturaliste de l’année du National History Museum.
« Nous n’avions aucun doute qu’il avait le talent pour se distinguer à l’international », affirme Antonia.
Elle avait raison.
Dans l’antre de l’araignée
Oubliez les plages magnifiques. Lors d’un séjour en République dominicaine avec sa famille, ce sont les grottes qui attirent Beckett.
Ses lectures lui avaient appris que ces grottes abritaient certains des plus gros amblypyges au monde. Ils sont également appelés araignées fouets en raison de leurs pattes qui se déploient pour saisir des proies.
Âgé à l’époque de 15 ans, Beckett n’était pas en mesure de se déplacer au volant d’une voiture. À l’exemple de nombreux adolescents, il a donc demandé à son père de lui servir de chauffeur.
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Ils ont donc emprunté la route nationale, garé l’auto et marché jusqu’à leur destination finale Cueva Boulevard del Atlántico : une grotte remplie de stalactites, de stalagmites et d’araignées. Son père s’est installé près de l’entrée de la grotte pour prendre ses propres photos, tandis que Beckett s’est aventuré loin à l’intérieur.
Il faisait sombre et le sol était couvert de guano. Soucieux de ne pas glisser ou déloger de la poussière porteuse de maladie, Beckett avançait avec précaution. Pour ne rien dire des recluses, dont la morsure peut parfois entrainer des lésions dermonécrotiques, qui peuplaient les roches et les parois de la grotte.
Ayant déjà été mordu par des fourmis et piqué par un scorpion, Beckett n’était aucunement incommodé. D’autant plus que les recluses ne sont agressives et ne mordent que lorsqu’elles se sentent menacées.
Beckett continuait de s’enfoncer dans la grotte. Il trouve finalement ce qu’il cherchait sur le plafond de la grotte : un énorme amblypyge. Prenant pied, Beckett braque son objectif et photographie la créature cauchemardesque.
Fifth
La plus réussie des photos – un gros plan de l’araignée immobile – est présentée dans le cadre de l’exposition Le Photographe naturaliste de l'année 2025, le plus prestigieux concours du genre au monde.
Le prochain chapitre
Beckett, aujourd’hui âgé de 18 ans, vit au Costa Rica. Il s’est inscrit à des cours d’espagnol et avoue être à sa place parmi les débutants. Dans ses temps libres, il parcourt la ville en quête de scorpions Centruroides sculpturatus à photographier – une activité qui cause une vive inquiétude à sa mère.
« Elle me téléphone toutes les 10 ou 15 minutes pour savoir si je vais bien », dit-il.
À la fin de son cours, Beckett se rendra dans la péninsule d’Osa, située à l’extrême sud-ouest du Costa Rica, abrite une biodiversité exceptionnelle que peu d'endroits au monde peuvent égaler. Il compte faire du bénévolat auprès d’Osa Conservation, un organisme à but non lucratif qui, outre planter des arbres et mener les bébés tortues à la mer, se consacre à la protection des habitats.
Pour Beckett, c’est une occasion unique de combiner son amour de la conservation et du travail sur le terrain. Après son séjour au Costa Rica, il a l’intention d’étudier en zoologie à l’Université de Guelph.
« Je suis très fière de Beckett, affirme Antonia Guidotti. Il me fait toujours grand plaisir lorsqu’un de nos stagiaires a la possibilité de vivre son rêve. Et s’il s’agit d’entomologie alors là, je suis comblée. »
Bien qu’il n’ait pas encore commencé ses cours, Beckett pense déjà à une maîtrise et un doctorat en entomologie. Peut-être reviendra-t-il au ROM à titre de technicien ou de conservateur. Qui sait ?
Sixth
Colin Fleming est rédacteur en chef et stratège créatif principal en communications au ROM