L’étude de poissons rares en Amazonie équatorienne

Nathan Lujan retourne en Amazonie, armé de nouvelle technologie et plus déterminé que jamais.

Un drone filme l'équipe de recherche financée par le WWF-Équateur sur le terrain.

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Une vidéo publiée sur Instagram

Une vidéo publiée sur Instagram présente une scène qui aurait sa place dans un film de science-fiction. Guidée dans l’obscurité par des lampes frontales, une équipe avance dans des eaux de remous boueuses. Le bruit rappelle celui de millions de gouttes de pluie martelant la rivière. Le faisceau lumineux dévoile cependant une réalité tout autre : des centaines de milliers de prochilodes bondissent hors de l’eau en remontant le cours de la rivière. Hors champ, on entend un éclat de rire suivi d’un « Merde alors ! » bien senti. 

Cette vidéo avait été tournée six mois plus tôt dans le cadre d’un important projet de conservation dirigé par José Vicente Montoya (Ph. D.) et Nathan Lujan (Ph. D.), conservateur des poissons au ROM. Financé par World Wildlife Fund-Ecuador et l’Université des Amériques, le projet portait sur l’étude des poissons des principaux bassins-versants du Napo-Aguarico et du Pastaza en Amazonie équatorienne. Montoya et Lujan auront bientôt l’occasion de poursuivre leurs recherches avec un équipement beaucoup plus sophistiqué.

Faites la rencontre de l’équipe internationale mondiale qui étudie la biodiversité des rivières amazoniennes. ©Ivy Yin/Fondation Terre de nos enfants.

Équateur HD pour Dr. Lujan et ROM

En août et septembre derniers,

En août et septembre derniers, Lujan avait récolté des centaines d’échantillons de tissus, mais les poissons les plus « étranges » lui avaient échappé. 

« Comme tous les grands cours d’eau tropicaux, l’Amazone a une faune benthique unique en son genre – des poissons qui vivent dans les principaux canaux, donc difficiles à attraper, affirme Lujan. Il est impossible d’avoir accès à cette faune en traînant un filet. » 

Avec un grand arbre Ceiba derrière eux, l'équipe de Lujan et Montoya prélève des échantillons d'eau dans une rivière d'Amazonie.

Cette faune comprend

Cette faune comprend toute une panoplie de poissons nocturnes qui vivent sur les fonds de la rivière : des poissons qui se déplacent et chassent dans l’obscurité la plus totale grâce à aux champs électriques qu’ils génèrent ; et des poissons-chats aveugles qui se nourrissent de minuscules invertébrés enfouis dans le sable. Lors de sa prochaine expédition, Lujan espère attraper de nombreuses espèces à l’aide de nouveaux chaluts fixés à un bateau et traînés dans des eaux profondes. 

Il se réjouit également à l’idée d’utiliser un électro-pêcheur qui n’est pas sans rappeler le célèbre sac à dos du film S.O.S. Fantômes. Conçu pour les biologistes, l’appareil émet une décharge électrique dans l’eau, attirant les poissons hors de l’eau et facilitant leur prise. Il est particulièrement efficace dans les barrages pour débris de bois flottants. 

Malgré son enthousiasme à l’idée de capturer des espèces rares et encore inconnues, Lujan est très conscient des aspects de la recherche liés à l’environnement et à la conservation.

« Ces poissons peuvent nous renseigner sur la santé de ces écosystèmes, explique-t-il. Ils sont cependant gravement menacés par l’activité humaine, incluant l’exploitation aurifère, les barrages hydroélectriques, la surpêche et les changements climatiques. » 

Les deux dernières décennies

Les deux dernières décennies ont vu un boom de « l’exploitation aurifère artisanale », une activité illégale porte mal son nom. « C’est une entreprise hautement industrialisée qui fait appel à de la machinerie lourde », explique Lujan. On mélange du mercure et des matières aurifères. Cet amalgame de mercure et d’or est ensuite chauffé, vaporisant ainsi le mercure pour obtenir l’or. 

Chaque année, ce processus déverse des milliers de tonnes de mercure dans l’Amazone. Le mercure s’accumule dans l’environnement et remonte la chaîne alimentaire en commençant par les petits poissons. 

« Les populations autochtones qui dépendent des poissons comme source de protéine sont les plus à risque, affirme Lujan. Il s’agit d’un enjeu de santé publique de première importance. »

Devant la demande croissante pour l’or et l’application lacunaire des lois environnementales, la soi-disant exploitation aurifère artisanale demeure un réel problème en Amazonie. En étudiant les traces de métaux lourds comme le mercure dans les poissons de l’Amazonie, Lujan et ses collègues espèrent concentrer l’attention sur la question et inciter les gouvernements à agir.  

La nomination de Nathan Lujan au poste de conservateur des poissons bénéficie du soutien généreux de la Fondation de la Famille Herbert A. Fritch.

Une journée sur le terrain

L’industrie de l’écotourisme étant bien établie en Équateur, Lujan et son équipe dormiront non pas à la belle étoile, mais dans un lodge confortable lors de leur prochain voyage en Amazonie. Cela dit, le travail n’en sera pas moins exigeant. 

La matinée est consacrée aux déplacements et détails logistiques. Accompagnée de guides locaux, l’équipe se rend ensuite à la rivière, où elle passe la journée à collecter des spécimens . L’arrivée de la faune nocturne à la tombée du jour exige que l’équipe travaille très tard pour attraper les poissons difficiles d’accès. 

Les spécimens sont ensuite ramenés au lodge pour être traités. « Il faut euthanasier les poissons et isoler les spécimens les plus attrayants pour les photographier, » explique Lujan.  

Il photographie lui-même les poissons, un processus presque aussi laborieux que leur capture. Pour immortaliser la beauté naturelle et les coloris de ces poissons, il installe un « aquarium » qu’il remplit d’eau fraîche. Il épingle ensuite chaque poisson et le photographie à la lumière du jour, créant ainsi de superbes portraits qu’il utilise aux fins de recherches et partage sur les réseaux sociaux.

Entre les longues heures passées sur la rivière et le laborieux processus de photographie, les nuits sont courtes. « Les expéditions sont très dispendieuses et comportent leur lot de logistique, dit-il. Il est donc essentiel d’optimiser le travail qui ne peut être accompli que sur le terrain. »

Dr. Nathan Lujan's

La nomination de Nathan Lujan au poste de conservateur des poissons bénéficie du soutien généreux de la Fondation de la Famille Herbert A. Fritch.

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