Le réductionniste

Paul Eekhoff, photographe du ROM, parle de la documentation de l’exposition Palais mobile et de sa passion des coléoptères.

Un trilobite exposé dans la galerie Willner Madge, Dawn of Life.

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Photographie

Après plusieurs faux départs

Après plusieurs faux départs pendant la pandémie, Paul Eekhoff peut enfin exercer son rôle de photographe pour le Musée.

Alors que la plupart des artistes s’engagent dans leur travail, il se considère comme un « réductionniste ». Autrement dit, il élimine tout ce qui est étranger au sujet – de la poussière aux débris en passant par les arrière-plans criards – afin de présenter les objets à l’état pur. 

Je me suis entretenu avec Paul Eekhoff de sa philosophie artistique et de son activité secondaire :  photographier des coléoptères.

Panneaux suspendus du Mobile Palace de Swapnaa Tamhane.

Sur la documentation de Palais mobile

Dans une institution qui loge des fossiles d’une grande fragilité et des œuvres d’art monumentales, les problèmes épineux ne manquent pas lorsqu’il s’agit de les photographier. C'est le cas de Swapnaa Tamhane : Palais mobile, une exposition réunissant de longues pièces de coton imprimé qui ondulent et forment des tentes majestueuses. Eekhoff a passé deux jours à photographier des détails des étoffes et de l’installation en utilisant la technique de l’empilement de mises au point, qu'il emploie depuis 12 ans.

« Pensez à une pile de papier, explique Eekhoff. Lorsque je photographie un objet sous un certain angle, une partie de l’objet est rapproché et l’autre est plus éloignée. L’empilement de mise au point permet de représenter un objet sur différents plans focaux dans une image nette. 

Une sélection de panneaux de Swapnaa Tamhane : Mobile Palace.

Après avoir photographié les détails

Après en avoir photographié les détails, Eekhoff a photographié les pièces de Tamhane depuis la mezzanine du ROM à l’aide d’un dispositif de suspension au plafond afin de les représenter dans leur intégralité.

« Nous avons déployé les panneaux et les sections, photographié chaque section, puis nous les avons assemblés à l’aide d’un logiciel. »

Un trilobite présenté dans la galerie Willner Madge, L'aube de la vie

Sur la typologie

L’une des assises de la philosophie artistique d’Eekhoff est ce qu’il appelle la typologie – une esthétique cohérente dans un ensemble d’œuvres qui explore les idées de « similitude et de différence, de familiarité et de discorde ». S’inspirant de l’identité visuelle d’une marque, il souhaite que chaque groupe d’objets ait son propre aspect et sa propre sensibilité. Prenons l’exemple de la Galerie Willner Madge de l'aube de la vie. Pour donner aux fossiles vieux de plusieurs millions d’années l’importance qu'ils méritent, Eekhoff a opté pour un fond noir uni pour chaque objet.

Mais avec Mobile Palace

Deepali Dewan, commissaire de l’exposition Palais mobile et conservatrice Dan Mishra des arts et des cultures de l’Asie du Sud, avait besoin de quelque chose de différent. Eekhoff a donc utilisé des fonds blancs au lieu de noirs et a ajouté des ombres aux pages du carnet de croquis de Tamhane, donnant le ton au mode de présentation de certaines œuvres.

Sur la photographie de coléoptères

Dans les années 2000, aux débuts de la photographie numérique, Eekhoff travaillait comme consultant chez Olympus, le fabricant d’appareils photo. Lors d'un déplacement professionnel à New York, il trouve par hasard une boutique de Soho appelée Evolution Store, qui vend de tout, des mouffettes naturalisées aux puzzles de gorilles en 3D. La boutique comprend de magnifiques coléoptères aux couleurs vives dans des cadres en verre.

Il se souvient avoir pensé : « Oh mon Dieu ! Je n’ai jamais vu ça. »

Après avoir manifesté son émerveillement devant les coléoptères, Eekhoff accompagne le propriétaire à l’étage, où se trouve une pièce avec des dizaines de vitrines remplies d’insectes magnifiques. Stupéfait, Eekhoff demande s'ils sont à vendre. C'est le cas. Il a donc acheté quelques coléoptères et les a fait traverser la frontière – une expérience qu’il qualifie de fort « intéressante » – jusqu’à son studio.

Initialement, il est déconcerté par l’incapacité de son imprimante à reproduire certaines des couleurs rouge et ocre des coléoptères. Mais il reprend le projet en 2008 et ne tarde pas à développer un ensemble d’œuvres.

Ensuite, j'ai simplement soumis mes œuvres à quelques expositions,

« J'ai ensuite soumis mon travail à quelques expositions d’art, dit-il. J’avais besoin de la réaction du public pour m’assurer que je ne perdais pas mon temps à photographier ces insectes. »

Les expositions ont connu un succès inattendu, incitant Eekhoff à présenter ses photos dans des galeries et à vendre des tirages de son travail. Des nombreuses réactions qu’il reçoit, la perplexité s’inscrit en tête de liste.

« Tous posent la même question, dit-il en souriant. Qu’est-ce que je regarde ? Je sais que c’est un insecte, mais s’agit-il d’une peinture haute résolution ou d’une photo ?

Eekhoff, qui se dit influencé par les dessins botaniques des « maîtres hollandais », est ravi de cette confusion. « J’adore ça. Je suis très heureux que les gens soient déconcertés par le caractère ambigu des œuvres. »

Je lui suggère que c’est peut-être parce que son travail se situe à la croisée de l’art et de la science, entre la photographie et la peinture.

Il marque une pause, réfléchissant.

« Ça me plaît. »

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