Pauline Poundmaker (Brown Bear Woman), la voie sacrée du rapatriement
L’arrière-arrière-petite-fille du chef Poundmaker nous entretient du ROM, du rapatriement et de la réconciliation.
Le 23 mai 2019, 134 ans
Le 23 mai 2019, 134 après la condamnation à trois ans de prison pour trahison du chef Poundmaker, le premier ministre Justin Trudeau s’est rendu sur les terres sacrées de la Nation crie Poundmaker pour l’innocenter. « C’est ici qu’il a bâti sa réputation de diplomate et de chef pacifique. C’est ici qu’il s’est tenu debout pour son peuple et qu’il a fait preuve de compassion face à la persécution », a déclaré M. Trudeau.
Pauline Poundmaker (Brown Bear Woman), alors Pauline Favel, arrière-arrière-petite-fille du grand chef Poundmaker, se trouvait parmi les nombreuses personnes assistant à l’événement. Une photo la montre en train de serrer la main du premier ministre.
Depuis, Pauline Poundmaker poursuit ce qu’elle appelle une « quête spirituelle », veillant à ce que les biens de son arrière-arrière-grand-père soient retournés à sa famille. Après son arrestation, un grand nombre d’objets appartenant au chef ont été saisis et dispersés en Europe et en Amérique du Nord.
Le 4 mai 2022, Parcs Canada a tenu une cérémonie au lieu historique national de Fort-Battleford, en Saskatchewan, au cours de laquelle un bâton sacré du chef Poundmaker a été retourné à sa famille. Le 22 février 2023, le Musée a tenu une cérémonie au cours de laquelle la selle et la pipe du chef, acquises en 1924 et 1926 respectivement, ont été remises à sa famille. Les efforts de Pauline Poundmaker pour rapatrier les objets de son arrière-arrière-grand-père ont porté leurs fruits.
Avant la cérémonie, Pauline Poundmaker (Brown Bear Woman) a accepté de répondre à mes questions. Nous nous sommes installés dans un coin tranquille du salon avec vue sur la ville au niveau 5 du Musée. Chaleureuse et spontanée, elle me parle de rapatriement, de la collaboration avec les musées et du legs du chef Poundmaker.
La pipe et la selle de votre arrière-arrière-grand-père vous seront remises sous peu. Quelles sont vos impressions ?
Les mots me manquent pour décrire l’importance de ce jour.
Je suis la fille d’Alma Poundmaker. En 1967, elle et mon frère ont représenté la famille lorsque la dépouille du chef a été ramenée à la Nation crie Poundmaker pour être inhumée. Elle a également représenté la famille Poundmaker lors des cérémonies du Centenaire. C’est moi qui a joué le rôle de porte-parole en 2019 lorsque le chef a été innocenté. J’ai maintenant l’honneur de mener les efforts pour rapatrier les objets ayant appartenu à Poundmaker. Ça me touche beaucoup. C’est une quête spirituelle, une quête historique. Et vous contribuez à faire connaître notre histoire.
L'an dernier, Parcs Canada vous a retourné le bâton de chef Poundmaker. Et aujourd’hui, le ROM vous rend d’autres de ses effets personnels. Comment tout cela a-t-il débuté ?
C’est une décision familiale, mais c’est aussi une décision spirituelle. Ces objets ont un esprit qui leur est propre. Les objets sacrés de cérémonie sont vivants. On nous fait savoir que le « moment était venu ». Nous avons pris la décision en famille. Il était de ramener les artéfacts et les objets de mon arrière-arrière-grand-père à la maison.
Un grand nombre des effets de chef Poundmaker ont été dispersés en Amérique du Nord et en Europe. Quelle sera la prochaine étape ?
Il y a beaucoup à faire.
À l’automne, alors que je procédais à l’enregistrement de l’organisation Brown Bear Woman Foundation Inc., j’ai écrit à des musées au Canada et en Europe pour les renseigner à notre sujet et leur donner les raisons à l’origine de nos demandes de rapatriement d’objets. Nous avons reçu deux ou trois réponses. Dernièrement, une institution de la Saskatchewan nous a avisés qu’elle avait deux objets ayant appartenu à Poundmaker dans sa collection. Une autre institution a communiqué avec nous pour nous dire qu’elle avait quelques objets du chef, affirmant vouloir entamer le dialogue.
Ces institutions sont toutes deux au courant de la cérémonie qui se déroule ici aujourd’hui. Nous reprendrons nos discussions à notre retour.
Les musées tels que le ROM doivent faire face à leur passé colonial
Alors que les musées comme le ROM reconnaissent leur passé colonial, ils tentent de rétablir leurs liens avec les communautés autochtones. Quelle est la meilleure voie à suivre ?
La meilleure voie est celle de l’ouverture d’esprit et de l’écoute. La manière coloniale, qui n’est pas la meilleure, est celle qui consiste à se limiter à répondre « C’est la politique du musée ». Les musées doivent être sensibles au fait que de nombreuses populations autochtones, et les diverses Premières Nations du Canada, agissent en fonction de lois de rapatriement de biens ancestraux universelles. Dans certains cas, les membres de la famille sont les seuls autorisés à récupérer les objets. Le simple fait d’accepter cette façon de faire et de renoncer à la formule « C’est la politique du musée » est une nette amélioration. Nous avons beaucoup apprécié la capacité d’écoute de Fort-Battleford et du ROM. Dès notre arrivée, vous nous avez offert votre collaboration.
En 2019, le premier ministre Justin Trudeau a réhabilité le chef Poundmaker et présenté ses excuses pour sa condamnation pour trahison. Les Canadiennes et Canadiens apprennent enfin la vérité sur votre arrière-arrière-grand-père. Que devons-nous savoir à son sujet ?
À l’époque, l’attitude du gouvernement à notre égard était intransigeante. Il ne reconnaissait ni notre identité ni le fait que nous sommes autochtones. Nous avons toujours habité ces terres. Ils sont les visiteurs et non le contraire.
L’été dernier, j’ai demandé à une Aînée, « Qui était Poundmaker ? » Elle m’a répondu en cri, « C’était un homme d’une grande gentillesse. Il était connu pour sa bienveillance. » Il a été accusé à tort de trahison. Ce qui n’aurait jamais dû se produire s’est produit. On ne peut pas changer le passé.
Le processus lié à l’exonération a été des plus complexes. Mais l’histoire de Poundmaker ne s’achève pas là. Il nous faut maintenant rapatrier ses objets sacrés.
Nous vivons une expérience d’apprentissage. Vous apprenez à connaître notre famille et notre culture. Nous apprenons à connaître le ROM et sa raison d’être. C’est un moment historique. Ces histoires seront transmises à la prochaine génération. Cette conversation que vous avez une descendante directe du chef Poundmaker fera partie des archives du ROM. Cela fait partie du processus de guérison.
Nous sommes accompagnés dans notre démarche. Les prières de la Nation crie Poundmaker nous accompagnent. Les prières permettent aux ancêtres de nous accompagner. Nos familles nous accompagnent. L’importance de ce moment ne saurait être mesurée. Nous sommes honorés de vivre ce moment. Êtes-vous également honorés de le vivre ?
Je suis pour ma part très honorée.
La cérémonie qui se tient ici aujourd’hui contribuera à sensibiliser d’autres musées à notre présence et aux projets de rapatriement mis en œuvre au Canada. Vous ouvrez la voie à d’autres musées.
Cette conversation
Cette conversation a été abrégée pour des raisons de longueur et de clarté.