Gros plan sur cinq musha-e

En 2009, le regretté professeur de l’Université McMaster James King a donné 136 musha-e (estampes de guerriers japonais) au ROM, enrichissant le remarquable fonds d’estampes japonaises du Musée. Comme le font valoir King et Yuriko Iwakiri dans leur ouvrage intitulé Japanese Warrior Prints 1646-1905, ces estampes, qui datent du 17e siècle au début du 20e siècle, puisent au répertoire du folklore et des batailles entre le 10e et le 14e siècle. 

Voici la leçon d’histoire que nous proposent cinq de ces estampes. 

Dans ce triptyque de Katsukawa Shuntei, des centaines de guerriers se livrent bataille sous les ordres de deux généraux puissants, Takeda Shingen de la province de Kai et Uesugi Kenshin de la province d’Echigo, en 1561. À noter, la présence d’armes à feu dans le registre inférieur de la feuille centrale. Ce détail permet d’affirmer que la bataille a eu lieu après l’introduction des armes à feu au Japon par les Portugais en 1543.

Cette gravure hors du commun de 126 centimètres réalisée par Utagawa Kunisada est la plus grande dans la collection de James King. Elle représente la grande bataille du 12e siècle opposant les familles Minamoto et Taira, qui étaient en perpétuel conflit à la fin de l’époque de Heian. Ici, la flotte du clan Minamoto s’apprête à défaire les Taira, grande puissance de l’époque. La victoire des Minamoto se traduit par le premier shogunat de Kamakura. L’œuvre de Kunisada est axée sur la bataille plutôt que la victoire. 

Les acteurs de kabuki, ou acteurs de nô, font partie intégrante du répertoire des musha-e. Les pièces de théâtre consacrées aux combats de guerriers étaient prisées dans la culture d’Edo. Ces estampes, qui ne sont pas sans rappeler les affiches publicitaires, servaient à faire la promotion des pièces de théâtre. Comme le font remarquer King et Iwakiri dans leur ouvrage, les adeptes du kabuki collectionnaient ces estampes et formaient des cercles d’admirateurs fidèles des acteurs. 

Réalisée en 1862, l’estampe d’Utagawa Kuniyoshi représente deux acteurs de renom, Sawamura Tanosuke III et Bandō Hikosaburō V, reproduisant le célèbre combat de Minamoto Yoshitsune et Benkei sur un pont au 12e siècle. L’artiste a exagéré leurs caractéristiques emblématiques, les rendant facilement reconnaissables. Benkei était un moine-guerrier qui portait sept armes différentes, tandis que Yoshitsune était un jeune samuraï. 

Cette estampe, également réalisée par Kuniyoshi, décrit une scène d’une pièce de nô intitulée Daibutsu kuyō. Ici, Taira no Kagekiyo tente d’échapper à son ennemi en sautant sur la statue géante de Bouddha du temple Tōdai-ji à Nara. Typique des musha-e, cette estampe dramatise l’histoire de Kagekiyo, les artistes du milieu du 19e siècle n’hésitant pas à transformer l’histoire pour célébrer les guerriers. 

Omocha-e, ou estampe-jouet, est un sous-genre de musha-e conçu spécialement pour les enfants. Ces estampes représentent de petits personnages que les enfants peuvent découper pour s’amuser et coller dans des albums, un peu comme les cartes à collectionner actuelles. Compte tenu de son utilisation prévue, cette estampe est en excellent état. Elle réunit une panoplie de héros et de monstres du folklore et de l’histoire du Japon. 

Kintaro, un enfant doté d’une force surhumaine, apparaît dans la case de droite du troisième registre. Selon la légende, Kintaro a été élevé par une sorcière des montages. Adulte, il se mesure à divers monstres. Dans la case du milieu du second registre, un monstre rouge tente de mordre la tête d’un guerrier. Cette scène maintes fois reproduite est tirée d’une légende où le guerrier, Minamoto Raikō, est attaqué par Shutendōji, un oni (démon) qui dévorait les femmes dans un petit village. 

Malgré leur caractère violent et macabre, notamment pour un jeune public, ces images étaient prisées pour les histoires qu’elles racontaient. 

Découvrez la collection entière des estampes de guerriers japonais.