Les lichens perdus
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Dans une zone réservée au personnel du Musée royal de l'Ontario
Dans une zone réservée au personnel du Musée royal de l’Ontario, à 30 pas du bourdonnement du laboratoire des fossiles, se trouve l’herbier mycologique. À l’intérieur de la pièce éclairée par fluorescence, cachée au milieu de rangées d’armoires à multiples tiroirs, se trouvent environ un demi-million de spécimens fongiques : champignons psychédéliques, champignons à la gelée et lichens emmêlés qui ressemblent à des touffes de cheveux mouillés. Mais pour autant que nous en sachions sur les spécimens, il y a presque autant de choses que nous ne savons pas. En fait, environ 30 % de ces spécimens, en particulier ceux qui ont été donnés au Musée, n’ont pas été catalogués correctement, et encore moins photographiés et numérisés.
Pourquoi ? Parce que le volume est trop élevé. De plus, Simona Margaritescu, la seule technicienne en mycologie du ROM, a beaucoup d’autres choses pour la tenir occupée : préparer des prêts ; attribuer des codes à barres de l’ADN de spécimens d’intérêt ; répondre aux demandes du public ; et tenir un blogue sur TikTok sur l’ergot, un tristement célèbre champignon que certains affirment être à l’origine des procès des sorcières de Salem.
Par un temps couvert au début de novembre de l’année dernière, Margaritescu se trouvait dans les profondeurs du ROM à faire l’inventaire d’un autre ensemble de lichens.
« Les lichens sont un type particulier d’organisme, dit Margaritescu. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de champignons, il s’agit d’une symbiose, d’un partenariat entre les champignons et diverses algues et cyanobactéries. »
Lorsqu’elle vérifie l’armoire « Divers » pour voir si quelque chose lui avait échappé, elle trouve par hasard une boîte étiquetée « Lichens de Macoun – Non recensés ».
Selon sa nécrologie dans le Journal of Mammology de 1921, John Macoun (1832-1920) était un naturaliste de la vieille école qui a appliqué tout le domaine des sciences naturelles à sa province. » De l’avis de Margaritescu, il était « le pionnier des herbiers canadiens modernes ». (« Non recensés » signifiait simplement que les spécimens n’avaient pas été catalogués, même dans les anciens registres.)
L’intérêt de Margaritescu est donc piqué, puis elle aperçoit les paquets d’enveloppes brunes et fragiles, avec leurs étiquettes originales encrées dans une élégante calligraphie en boucle datées des 19e et 20e siècles. Les spécimens qu’elles contiennent sont encore plus étonnants.
« Ils avaient l’air d’avoir été collectés il y a quelques années, précise Margaritescu. Je me suis dit : Oh, non, ils doivent absolument faire partie de la collection. »
Elles semblent avoir été collectées il y a quelques années.
« Ils avaient l’air d’avoir été collectés il y a quelques années, précise Margaritescu. Je me suis dit : Oh, non, ils doivent absolument faire partie de la collection. »
Margaritescu a donc demandé l’aide d’Eli Guan, un étudiant de troisième année de l’Université de Toronto qui fait du bénévolat au sein du service de mycologie. Il a photographié les anciennes étiquettes, une par une, puis a placé chaque lichen entre un carton et du feutre – « dorlotant » au besoin, a plaisanté Margaritescu – avant de les ranger dans des paquets de papier sans acide portant de nouvelles étiquettes imprimées.
« Au début, je me sentais vraiment mal d’avoir à donner des coups de ciseaux dans des étiquettes plus anciennes que quiconque que je connais, dit Guan. Et puis je m’en suis remis. »
Bien que les spécimens de Macoun soient une découverte étonnante, ils n’ont pas les informations détaillées que les techniciens comme Margaritescu attendent des collectionneurs d’aujourd’hui. Certaines des étiquettes n’indiquaient que l’année ; d’autres indiquaient simplement « Canada », plutôt qu’un endroit particulier.
Une bibliothèque de la vie
Les spécimens sont importants, un moyen de comprendre ce qui poussait au Canada il y a 150 ans.
« Je me plais à dire que les collections d’histoire naturelle sont des bibliothèques de la vie, dit Margaritescu. Ces collections représentent un « instantané » dans le temps. »