Lac Crawford : Les registres du temps, la grande histoire d’un petit lac
Publié
Catégorie
Communiqué de presse sur l'exposition Lac Crawford
TORONTO, le 17 septembre 2025 – Les sédiments d’un petit lac en Ontario qui intrigue archéologues, biologistes et géologues depuis des décennies offrent un témoignage exceptionnel de notre impact sur la planète et pourraient même marquer le début de l’Anthropocène.
Le lac Crawford, près de Milton en Ontario, porte l’empreinte de 1 000 ans d’activités humaines. Conçue par le ROM, l’exposition Lac Crawford : Les registres du temps sera présentée au Musée du 27 septembre 2025 au 13 septembre 2026.
Situé sur le haut plateau à proximité de l’escarpement du Niagara, le lac Crawford est ce que l’on appelle un lac méromictique : sa petite circonférence et sa grande profondeur (23 mètres) empêchent le mélange des couches d’eau. Les recherches sur les dépôts lacustres ont mené à sa désignation comme site marquant le début d’une nouvelle époque géologique : l’Anthropocène. En 2023, le lac Crawford a été choisi parmi d’autres sites potentiels comme « clou d’or » – un marqueur définitif démontrant la fin d’une période et le commencement d’une autre.
Les recherches menées par le ROM en 1970 sur les sédiments du lac s’accompagnent de fouilles archéologiques qui ont mis au jour des villages autochtones ayant prospéré de la fin des années 1200 à 1500 environ. L’analyse de dépôts de sédiments annuels a révélé aux chercheurs l’histoire de la région dans le menu détail.
« Bien que le ROM mène des recherches sur ce plan d’eau unique depuis plus de 50 ans, sa récente popularité comme marqueur potentiel du début de l’Anthropocène témoigne du rôle fondamental, et de la persévérance, des scientifiques dans l’enrichissement de notre compréhension du monde, affirme Josh Basseches, directeur général du ROM. Cette exposition propose un regard fascinant sur la façon dont la nature enregistre l’impact de l’humanité sur notre planète et sur l’incidence de nos décisions sur les générations futures. »
L’analyse des varves – les couches sédimentaires annuelles qui, comme les anneaux de croissance d’un arbre, marquent le passage du temps – rend compte dans les moindres détails de l’impact de l’activité humaine depuis la fin des années 1200. Bien que l’exposition s’articule autour de l’époque qui enregistre l’activité humaine, les couches sédimentaires uniques du lac Crawford sont si profondes que les chercheurs sont en mesure d’étudier des dépôts vieux de milliers d’années.
L’exposition comprend une installation dynamique qui permet aux visiteurs d’observer dans les détails la chronologie des dépôts, qui sont des marqueurs clés du changement environnemental. Des animations illustrent la formation au fil des ans de couches de matières différentes.
« Les registres du lac Crawford portent l’empreinte de plus de 30 générations d’activités humaines, qu’il s’agisse des traces d’isotopes de plutonium dispersés à travers la planète avec l’avènement des armes nucléaires ou des actions que nous avons prises au cours du temps pour améliorer notre environnement », affirme Soren Brothers (Ph. D.), conservateur Allan et Helaine Shiff du changement climatique au ROM.
Une magnifique installation réunissant des vues aériennes de la région en toutes saisons, y compris des paysages majesteux et des animaux, donnera aux visiteurs l’impression de se trouver au lac Crawford. Une vidéo présente le processus minutieux entrepris par les chercheurs pour extraire une carotte gelée du fond du lac.
« L’analyse du pollen de diverses plantes contenu dans les sédiments offre une fenêtre microscopique sur le passé, de dire Deborah Metsger, conservatrice adjointe de la botanique et conservatrice intérimaire de l’herbier de plantes vertes au ROM. Année après année, les couches sédimentaires du lac Crawford confirment que la nature et les humains sont inextricablement liés. »
Les traces les plus anciennes de l’impact humain autour du lac nous viennent de l’agriculture autochtone à partir de la fin des années 1200, notamment la culture des tournesols et du mais. L’exposition réunit des meules dormantes, des fragments de poterie et même du maïs carbonisé datant de 500 ans provenant des villages autochtones près du lac Crawford – témoignages de la longue tradition de l’agriculture dans la région.
L’aire de conservation du lac Crawford comprend trois maisons longues reconstituées qui contribuent à sensibiliser le public à l’histoire autochtone de la région par le biais de programmes, expositions, jardins et ateliers développés en collaboration avec des partenaires autochtones.
Les dépôts montrent que les activités entreprises par la famille Crawford, qui s’est installée dans la région au début des années 1800 et a construit une scierie au bord du lac en 1874, ont changé la couleur des sédiments, parallèlement à une diminution du pollen de pin (un arbre ciblé pour l’exploitation) et une augmentation du pollen d’ambroisie (une réaction écologique courante dans le cas de déboisement).
Si les conditions autour du lac ont changé au fil des ans, certains marqueurs présents dans le lac Crawford se retrouvent également ailleurs dans le monde. Par exemple, la varve de 1945 enregistre la détonation de la première bombe nucléaire au plutonium à Los Alamos le 16 juillet. Cet événement et d’autres explosions nucléaires qui se sont produites jusqu’à l’entrée en vigueur du traité d’interdiction d’essais nucléaires en 1963 ont laissé une empreinte humaine si profonde dans les sédiments à travers le monde que ces traces atomiques sont considérées comme un marqueur principal d’une potentielle époque Anthropocène.
Les varves des années 1950 témoignent d’autres modifications dans la composition des sédiments causées par un essor démographique, la consommation d’énergie et l’industrialisation. Elles attestent également de l’introduction de la maladie hollandaise de l’orme, tandis que les cendres volantes (sous-produit de la combustion des produits fossiles) témoignent de la croissance de l’industrie de l’acier dans la région.
De nombreuses autres leçons environnementales ont été apprises au cours des décennies suivantes, y compris celle des varves très minces qui se sont formées durant les années où les pluies acides représentaient une urgence environnementale. Les efforts concertés du gouvernement et de l’industrie en réponse aux préoccupations du public ont entrainé la diminution des polluants responsables des pluies acides et de l’acidification du lac. Les varves ont retrouvé leur épaisseur normale.
Prendre les mesures qui s’imposent pour conserver l’eau et la terre n’a rien de nouveau. L’exposition comprend la réplique d’une ceinture wampum « un plat à une cuillère » réalisée par Ken Maracle des Six Nations de la rivière Grand, qui représente la gouvernance environnementale, la diplomatie et une mise en garde contre l’avidité. La ceinture, qui commémore le traité de la Grande Paix de Montréal signé en 1701, se veut un rappel qu’il faut prendre soin les uns des autres et des générations futures en gardant la terre et l’eau propres, en ne prenant que le nécessaire et en conservant nos ressources.
Le lac Crawford était au centre d’une discussion récente sur la reconnaissance officielle de l’Anthropocène comme époque géologique et sur la détermination d’une date en marquant le début. Cette nouvelle époque marquerait la fin de l’Holocène qui a débuté à la fin de la dernière glaciation il y 17 000 années.
En 2023, le lac Crawford a été désigné – parmi 12 sites à travers le monde – comme le site ayant le registre le plus explicite du début de l’Anthropocène. Que ce site tant vanté se trouve dans la région du Grand Toronto peut surprendre, mais déjà en 1970 le conservateur du ROM Jock McAndrews demandait à Conservation Halton l’autorisation de prélever des échantillons de sédiments dans le lac dans le cadre de ses recherches sur l’histoire des forêts et du climat de l’Ontario.
Le projet proposant le lac Crawford comme marqueur du début de l’Anthropocène était dirigé par Francine McCarthy (Ph. D.), professeure des sciences de la Terre à l’Université Brock et ancienne étudiante de Jock McAndrews, en collaboration avec une équipe de chercheurs du ROM, de l’Université Brock, du Musée canadien de la nature, de l’Université Queen’s et de Conservation Halton pour ne nommer que ces derniers. Deux échantillons prélevés dans le cadre de cette recherche sont conservés dans des congélateurs : un au ROM et un au Musée canadien de la nature.
Bien que l’Anthropocène ne soit pas officiellement reconnue par la Commission internationale de stratigraphie, l’expression est communément utilisée pour décrire les changements profonds que les humains ont apportés, et apportent toujours, à notre planète. L’exposition Lac Crawford : Les registres du temps pose un regard éclairé sur l’histoire de la vie humaine sur Terre racontée par un petit lac sans prétention.

Cette exposition bénéficie du soutien généreux du Cercle royal des expositions et de l’Intiative le ROM au féminin.
Crédit photo : Lac Crawford © ROM