Pique-niques et passe-temps

Des objets provenant de l’Iran du 17e siècle donnent un aperçu de la vie à l’époque des Safavides.

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Art et culture

Une nouvelle installation au ROM met en lumière

Une nouvelle installation au ROM met en lumière des objets qui offrent une fenêtre sur les plaisirs, les passe-temps et le patrimoine artistique de l’Iran à l’époque des Safavides (1501-1736). Les Safavides, une dynastie musulmane chiite, étaient de grands mécènes des arts et de l’architecture. Ispahan, la capitale nouvellement établie dans le centre de l’Iran, s’impose comme le foyer du commerce international et de la diplomatie. Esfahan nesf-e jahan, un dicton persan du 17e siècle qui signifie « Ispahan, la moitié du monde », illustre le dynamisme culturel et la nature cosmopolite de la ville. Ispahan est célèbre pour son architecture, ses grands boulevards, ses jardins, ses palais et ses cafés, ainsi que ses mosquées, ses églises et ses synagogues rehaussées de carreaux vernissés. L’installation est consacrée à une remaquable arche en céramique réalisée à Ispahan vers 1685-1695. Elle représente un groupe de nobles élégants qui pique-nique dans un pré de fleurs et d’arbres. Lisa Golombek et Robert B. Mason, chercheurs au ROM, ont passé de nombreuses années à étudier et à reconstituer numériquement les arches safavides. Selon eux, l'arche du ROM fait partie d’un ensemble réunissant une cinquantaine d’arches conçues expressément pour décorer les murs de la cour intérieure d’un palais à l’époque des Safavides. Leurs recherches fascinantes seront bientôt publiées dans un ouvrage intitulé Princes, Derviches et Dragons: The Tile Arcade from Safavid Isfahan (c. 1685–95) (Edinburgh University Press, 2025). 
 

Dans cet ouvrage, les auteurs avancent de manière convaincante que l'arche en céramique du ROM et une cinquantaine d’autres représentant différentes scènes flanquaient probablement un jardin long et étroit doté d’un grand pavillon appelé Talar-e-Tavileh (Pavillon des écuries). Ce pavillon était utilisé par les Safavides lors des célébrations du Nouvel An, des cérémonies de la cour, des festivals religieux et des banquets diplomatiques. Tombé en désuétude au 19e siècle, le bâtiment a été démoli en 1901 après la vente de ses nombreuses arches sur le marché de l'art. L’arche du ROM a été reconstituée avec 38 carreaux d’origine et quatre reproductions minutieusement peintes. Les carreaux jaunes au centre remplace les pièces manquantes. 

La création d’une arche aux détails minutieux de cette taille est le fruit d’une maîtrise artistique et de dépenses considérables. Les carreaux d’argile moulée ont été recouverts d'une glaçure blanche opaque avant d’être cuits. Ensuite, des dessins sur papier ont été appliqués au pochoir sur les carreaux en saupoudrant du charbon de bois par de petits trous délimitant le dessin. Le maître de l’atelier peignait les contours du dessin au pochoir à l’aide d'un pigment noir gras qui empêchait les glaçures colorées de se mélanger. Les artisans appliquaient soigneusement des glaçures de différentes couleurs à l'intérieur des contours, et les carreaux étaient cuits de nouveau. Les détails plus fins, tels que les traits du visage et les cheveux, étaient peints avec le même pigment noir par le maître à l’aide d’un pinceau fin, puis le carreau était cuit une dernière fois à basse température.
 

Les Safavides, une dynastie musulmane chiite, étaient de grands mécènes des arts et de l’architecture. Ispahan, la capitale nouvellement établie dans le centre de l’Iran, s’impose comme le foyer du commerce international et de la diplomatie.

a scène sur l'arche de tuiles est agrémentée de musique live et, par extension, de récitations poétiques, créant ainsi une ambiance multisensorielle.

L’arche réunit des scènes faisant valoir les talents des musiciens et des poètes, créant une ambiance sensorielle. La vaisselle safavide portait souvent des bénédictions à l’intention des invités. Un grand bol porte l’inscription « Puisse chaque gorgée bue dans ce bol vous apporter la santé », tandis qu’une assiette bleu et blanc d’inspiration chinoise, figurant un cerf, reprend les paroles du grand savant médiéval Omar Khayyam (1048-1131) : « Cette assiette, que l'intelligence salue, et sur le front de laquelle elle dépose une centaine de baisers ! ». Vers 1627-1629, Thomas Herbert, un voyageur anglais, se rend en Iran safavide. Dans un café d’Ispahan, il goûte pour la première fois une boisson « noire comme de la suie, épaisse et fortement parfumée, qui n’est agréable ni à l’œil ni au goût ». Le café était servi dans de petites tasses en céramique. Le café était également apprécié lors des pique-niques, mais avant les années 1500, à l’exception des habitants du Yémen et de l’Éthiopie, n’avait goûté au café qui s'est ensuite répandu dans le monde entier.

Près du bas de l'arc, deux musiciens sont assis les jambes croisées, l'un jouant d'un tambour rond (daff) et l'autre tenant un instrument à cordes (kamancheh) sur ses genoux.

Deux musiciens assis en tailleur sont représentés dans le bas de l’arche : l’un joue d’un tambour rond sur cadre (daff), l’autre tient un instrument à cordes (kamancheh) sur son genou. Bien qu’il ne soit pas représenté sur l’arche, le Musée a dans ses collections un luth à long manche du début de l’époque safavide. Appelé panjtar (littéralement « cinq cordes »), le luth est fabriqué à partir de plusieurs essences de bois. Les inscrustations de nacre, d’ivoire et d’os animal représentent des éléphants et des scènes de chiens et de lions chassant.

Banquets (bazm) et batailles (razm) sont souvent jumelés dans la littérature et l’art iraniens. Un bon guerrier se doit d’être un chasseur habile. Sur l’arche, un homme à l’énorme moustache s’apprête à tirer un oiseau en plein vol avec son arc. Les parties de chasse s’accompagnaient typiquement de banquets en plein air. Sur l’arche, des personnages richement vêtus se détendent, se délectant de mets et boissons et appréciant les talents de poètes, musiciens et archers. L'installation se veut une fenêtre sur les plaisirs, les passe-temps et le patrimoine artistique de l’Iran safavide.

Pique-niques et loisirs

Les objets réunis dans l’installation et d’autres œuvres dans les collections du monde islamique du ROM seront présentés dans une galerie aménagée dans le cadre du projet ROMOuvert. 

Fahmida Suleman est conservatrice principale des collections du monde islamique au ROM.

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