Des échantillons lunaires portent les traces d’un impact qui, il y a 4,2 milliards d’années, a creusé un des plus anciens cratères sur la Lune

Des chercheurs fournissent la première preuve concrète de l’âge de la mer de la Sérénité


Apollo 17, Station 8.

TORONTO (Ontario), le 9 juin 2021 – Une équipe internationale composée de chercheurs du Royaume-Uni, de Suède, d’Australie et du Canada, dont fait partie Kim Tait, titulaire de la chaire Teck en minéralogie au Musée royal de l’Ontario (ROM), a fourni pour la toute première fois une preuve matérielle de l’âge de la mer de la Sérénité, un des plus vieux cratères de la Lune.

Depuis qu’on observe la Lune, les scientifiques sont fascinés par les questions d’âge et de formation des « mers » (dépressions) et des cratères nés des formidables collisions qui ont marqué les quelque 500 premiers millions d’années de la vie du système solaire.

Établir avec précision la date de formation des cratères d’impact sur la Lune s’avère d’une importance primordiale si l’on veut donner un âge aux surfaces qui « n’ont pas été échantillonnées » sur les planètes de notre système solaire interne, celles de Mars, Mercure et Vénus, par exemple.

On se doutait que la mer de la Sérénité figurait parmi les plus anciennes formations sur la face visible de la Lune. Pour en déterminer l’âge exact, les astronautes des missions Apollo ont dû prélever des roches qu’on croyait issues du puissant choc à l’origine de ces vastes dépressions. La mission Apollo 17, plus particulièrement, a rapporté des échantillons de la mer de la Sérénité.

Des études antérieures ont toutefois montré que la plupart des roches recueillies au cours de cette mission étaient beaucoup trop jeunes et qu’elles venaient d’un impact plus récent, en lien avec l’origine de la formation appelée « mer des Pluies » (Mare Imbrium, en latin). La dispersion des débris de la collision sur la majeure partie de la face visible de la Lune ne facilitait pas la détermination de l’âge véritable de la mer de la Sérénité, situé entre 3,8 et 3,9 milliards d’années.

Les nouvelles découvertes jettent cependant un éclairage beaucoup plus net sur l’histoire de cette formation. En effet, l’examen d’un échantillon de qualité exceptionnelle, surnommé « rocher de la station numéro huit », semble indiquer qu’en réalité, la mer de la Sérénité serait née il y a 4,2 milliards d’années, soit 300 millions d’années plus tôt qu’on le pensait au départ.

Autre importante découverte de la même étude : le rocher en question porte la trace d’un impact très récent, survenu il y a environ 500 millions d’années. Les échantillons lunaires présentent rarement des signes de collisions aussi jeunes et celui-ci était passé inaperçu jusqu’ici. Misant sur une approche interdisciplinaire et sur la collaboration, l’équipe a décidé d’intégrer les résultats des analyses en laboratoire à un jeu de données obtenues par télédétection, puis a modélisé le cratère d’impact, ce qui a révélé que la collision la moins ancienne est associée à celle qui a créé le cratère Dawes, situé à 140 km de l’endroit où avait aluni Apollo 17.

L’échantillon d’Apollo 17 utilisé pour cette étude a été fourni par la NASA et on doit la nouvelle découverte à l’équipe pilotée par l’Open University, à laquelle participaient des chercheurs britanniques (Université de Portsmouth), canadiens (Musée royal de l’Ontario, Université de Toronto et Université de Sherbrooke), suédois (Musée d’histoire naturelle) et australiens (Université Curtin).

Ana Černok, postdoctorante qui a récemment reçu une bourse Hatch, au ROM, a amorcé le projet quand elle poursuivait des études à l’Open University (2016-2018) grâce à une bourse Marie Curie. Elle y occupe présentement le poste de professeure agrégée honoraire.

« Nous nous sommes longuement penchés sur ce fascinant échantillon, essayant d’en débrouiller la complexe datation isotopique », déclare Mme Černok. « Établir un lien direct entre les échantillons et la mer de la Sérénité n’a pas été chose aisée car, depuis que les astronautes d’Apollo 17 les ont rapportés de la Lune, distinguer ceux venant de la mer des Pluies de ceux issus de la mer de la Sérénité s’est avéré un processus compliqué. »

Et d’ajouter Lee White, ancien titulaire lui aussi de la bourse d’études postdoctorales Hatch, au ROM, qui occupe actuellement le poste d’adjoint postdoctoral de recherche à l’Open University : « La nouvelle étude souligne l’importance d’une conservation soigneuse des échantillons et de l’analyse répétée des spécimens les mieux caractérisés avec les techniques d’analyse et méthodes les plus modernes. Elle révèle aussi l’immense potentiel que présente l’examen des matériaux à l’échelle du nanomètre, chose très importante à savoir pour les prochaines missions d’échantillonnage, par exemple sur l’astéroïde Bennu ou sur Mars. »

Mahesh Anand enseigne les sciences et l’exploration planétaires à l’Open University. Il est le chercheur principal de l’institution chargé des échantillons rapportés par la mission Apollo. « Ce projet se concentre sur l’étude des phosphates dans les roches lunaires, car ces composés nous en apprennent simultanément beaucoup sur la présence d’eau et la datation radiogénique, explique-t-il. D’après les nouvelles observations structurales venant de l’étude des phosphates à l’échelle inférieure au micron et une datation très précise des mêmes grains de phosphate, nous avons réussi à corréler l’âge de 4,2 milliards d’années à l’impact colossal qui a sans doute mené à la formation de la mer de la Sérénité. »

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Article scientifique : Lunar samples record an impact 4.2 billion years ago that may have formed the Serenitatis Basin, publié dans Communications Earth & Environment (en anglais) DOI 10.1038/s43247-021-00181-z

Photo : Panorama d’Apollo 17, station 8, réalisé par Harrison H. « Jack » Schmitt à la station 8. Eugene Andrew Cernan se tient près du rover qui récupère le gravimètre portatif. On voit à l’avant la longue perche que Jack a installée pendant qu’il prend des photos. Le panorama vient de l’ensemble AS17-142-21726 à 21745.

Source : NASA, USGS Astrogeology Science Center

RENSEIGNEMENTS :
The Open University - Kat Woodcock, gestionnaire principale des relations avec les médias, kat.woodcock@open.ac.uk, Tél. : 07990775655

Musée royal de l'Ontario - David McKay, Service des communications, davidm@rom.on.ca ou media@rom.on.ca  

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