Des paléontologues classifient de mystérieux anciens animaux marins de forme conique

La prestigieuse revue Nature publie un article dont le principal auteur est un étudiant de premier cycle de l’Université de Toronto et les coauteurs viennent du Musée royal de l’Ontario et de l’Université de Durham, en Grande-Bretagne.

 

hyolithe TORONTO, Ontario (Canada) – Une branche de l’arbre du vivant est un peu plus chargée aujourd’hui. Une équipe de scientifiques dirigée par Joseph Moysiuk, étudiant de premier cycle de l’Université de Toronto âgé de 20 ans, a finalement déterminé la nature d’un groupe étrange d’animaux disparus de forme conique. Cette étude réalisée par Moysiuk (auteur principal) et deux co-auteurs – Jean-Bernard Caron, conservateur principal au Musée royal de l’Ontario et professeur agrégé à l’Université de Toronto, et Martin Smith, chargé de cours à l’Université de Durham en Grande-Bretagne – sera publiée aujourd’hui dans la prestigieuse revue scientifique Nature.

Classés comme hyolithes, ces animaux marins ont vécu il y a plus de 530 millions d’années durant le Cambrien et comptent parmi les premiers animaux connus dotés d’exosquelettes minéralisés. .

On a longtemps cru qu’ils appartenaient à la famille des escargots, des calmars et autres mollusques, mais l’étude démontre que les hyolithes s’apparentent plutôt aux brachiopodes, groupe d’animaux dont on possède de nombreux fossiles, bien que quelques espèces vivent encore.

Les brachiopodes possèdent un corps mou abrité dans des coquilles supérieure et inférieure (valves), à la différence des mollusques bivalves, dont l’une se trouve à droite et l’autre à gauche. Pour se nourrir, les brachiopodes ouvrent leurs valves à l’avant, mais ils les gardent autrement fermées pour protéger leur tube digestif et les autres parties de leur corps.

Bien que les archives fossiles regorgent de squelettes d’hyolithes, nous savons peu de choses encore sur les aspects diagnostiques essentiels de leurs tissus mous.

« Notre découverte la plus importante et la plus surprenante, a déclaré Moysiuk, concerne la structure d’alimentation des hyolithes : une rangée de tentacules souples autour de la bouche, dans la cavité située entre la coquille inférieure conique et la coquille supérieure, semblable à un couvercle. Les brachiopodes sont le seul groupe d’animaux vivants à posséder une telle structure d’alimentation, avec deux valves. Ceci confirme que les hyolithes ont pour plus proches parents actuels les brachiopodes et non les mollusques.

« Cette découverte semble indiquer que ces hyolithes se nourrissaient de matières organiques en suspension dans l’eau, comme le font les brachiopodes aujourd’hui, attrapant la nourriture dans leur bouche à l’aide de leurs tentacules » a ajouté Moysiuk.

Moysiuk, qui étudie les sciences de la Terre, l’écologie et la biologie évolutive, a réalisé ce projet sous la direction de Jean-Bernard Caron, conservateur principal au ROM, dans le cadre du programme de recherches indépendantes de l’Université de Toronto. Ce programme de recherche spécial s’adresse aux étudiants de premier cycle de la faculté des arts et des sciences. Il a reçu le prix de la meilleure affiche pour cette étude à l’occasion de la rencontre de l’Association britannique des paléontologues qui s’est tenue en France le mois dernier, distinction tout-à-fait remarquable compte tenu que les étudiants en maîtrise et des doctorants participaient également à ce concours.

L’apparence et la structure distinctes du squelette d’hyolithe ont empêché jusqu’ici toute tentative de classification. Tous les hyolithes possèdent une coquille conique allongée, symétriquement bilatérale, ainsi qu’une plus petite coquille semblable à un couvercle qui recouvre l’ouverture de la coquille conique (opercule). Certaines espèces disposent aussi de deux épines rigides courbées, protubérances passant entre la coquille conique et l’opercule. Aucun autre groupe d’animal ne possède de structure équivalente.

Examinant l’orientation des épines dans plusieurs spécimens d’hyolithes provenant des schistes de Burgess, on a découvert que ces animaux utilisaient peut-être leurs épines comme échasses, s’élevant ainsi au‑dessus des sédiments et dressant leurs tentacules pour mieux se nourrir.

Moysiuk et ses collaborateurs, Martin Smith, de l’Université de Durham au Royaume-Uni, et Jean-Bernard Caron, du Musée royal de l’Ontario et de l’Université de Toronto, ont pu achever leurs descriptions principalement grâce à de récents fossiles découverts dans les célèbres schistes de Burgess, en Colombie-Britannique, qui datent du Cambrien.

« Ce qui rend les fossiles des schistes de Burgess exceptionnels, c’est l’état de conservation des tissus mous, d’ordinaire non préservés dans des conditions normales, a affirmé Jean-Bernard Caron, directeur de recherche de Moysiuk, conservateur principal de paléontologie des invertébrés au Musée royal de l’Ontario et professeur agrégé aux départements des sciences de la Terre, d’écologie et de biologie évolutive de l’Université de Toronto.

« Si certains auteurs avançaient qu’il existait une affinité avec les mollusques, leurs hypothèses s’appuyaient sur des preuves insuffisantes. Les hyolithes, devenus une branche orpheline de l’arbre du vivant, embarrassaient les paléontologues. Nos récentes découvertes sur le terrain permettent finalement de révéler leur histoire, environ 175 ans après qu’on les ait décrits pour la première fois. »

Les activités récemment dirigées par M. Caron dans les schistes de Burgess ont permis de découvrir de nombreux spécimens sur lesquels s’appuie cette étude. Les principaux exemplaires proviennent de nouveaux gisements situés près du glacier Stanley et du canyon Marble au parc national Kootenay, à environ 40 kilomètres au sud‑est du site original des schistes de Burgess, au parc national Yoho.

Les schistes de Burgess forment l’un des gisements fossilifères les plus importants pour étudier l’origine des animaux et le début de leur évolution au Cambrien, voilà environ 542 millions d’années. Les hyolithes comptent parmi la multitude de groupes d’animaux caractéristiques de la faune de « l’explosion cambrienne ». Ils ont fait partie d’un groupe diversifié ayant vécu dans les écosystèmes marins de la planète pendant plus de 280 millions d’années, mais ayant disparu il y a 252 millions d’années, avant l’apparition des premiers dinosaures.

« Résoudre le débat sur les hyolithes nous aide à mieux comprendre l’explosion cambrienne, période d’évolution rapide ayant vu l’apparition de la plupart des groupes d’animaux importants dans les archives fossiles », a précisé Martin Smith qui a amorcé cette recherche à l’Université de Cambridge avant de devenir chargé de cours en paléontologie à l’Université de Durham. « Notre étude réitère l’importance des tissus mous préservés dans les gisements de type schistes de Burgess, car ils révèlent l’histoire évolutive de créatures que nous connaissons encore peu. »  

Les schistes de Burgess des parcs nationaux Yoho et Kootenay, d’où proviennent les spécimens trouvés, fait partie des montagnes Rocheuses canadiennes inscrites au patrimoine mondial. Parcs Canada protège ce lieu d’importance mondiale et appuie la recherche scientifique examinée par les pairs, qui nous permet de mieux comprendre ces riches gisements paléontologiques. Cette nouvelle découverte stimulante enrichit l’histoire remarquable des débuts de l’évolution animale que les guides de Parcs Canada présentent avec enthousiasme chaque année à des centaines de visiteurs.

Les résultats sont décrits dans l’article intitulé « Hyoliths are Palaeozoic lophophorates ». La recherche a été principalement financée par le Musée royal de l’Ontario et par une subvention à la découverte accordée à M. Caron par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

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L’étude est publiée en ligne à l’adresse http://www.nature.com/doifinder/10.1038/nature20804 (en anglais).

DOI http://dx.doi.org/

 

RENSEIGNEMENTS
David McKay
Coordonnateur des communications
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